Le « martyr de Julien Assange », image créée par l’IA

Les faits. Sur ma Timeline de Twitter ce vendredi 31 mars 2023, j’ai vu passer cette image de Jullian Assange, dans un sale état. Je l’ai tout de suite retwittée en l’agrémentant d’un message d’indignation sans me poser de question et chercher sa source ce que je fais toujours d’habitude. Pourquoi ? La fatigue de fin de semaine peut en être l’explication mais cette supposition n’est guère convaincante. Non, c’est l’émotion que suscite cette image qui en est la cause. Sa violence, cette souffrance exprimée par le visage de Julian Assange la rend unique et totalement crédible. On sait qu’il vit très mal ses conditions d’incarcération dans la prison de haute sécurité de Belmarsh dans le sud-est de Londres, surnommé également le Guantanamo britannique et réputée comme étant l’une des plus dures d’Angleterre. Stella Assange, sa femme avait d’ailleurs alerté les médias à ce sujet il y a peu. Et il faut se rappeler également des images de son arrestation en 2019 où déjà sa méforme semblait évidente. Révolté, je n’ai pas douté.

Julian Assange, lors de son arrestation en avril 2019 (source youtube)

Ce tweet a immédiatement été abondamment relayé. Dans les premières réponses qui me sont parvenues, quelqu’un a émis la supposition que cette photo soit réalisée par une intelligence artificielle. En déplacement, dans la précipitation, j’ai tout de suite répondu par le tweet suivant (d’où ces horribles fautes d’orthographe).

Fake, pas fake, je m’interrogeais. J’en ai rapidement conclu que cette photo devait effectivement, selon toute vraisemblance, avoir été réalisée par une Intelligence Artificielle pour la simple et bonne raison que Julian Assange, en tant que prisonnier politique convoité par les Etats-Unis est certainement le détenu le plus surveillé de Grande Bretagne. Ses geôliers n’auraient jamais permis qu’une telle photo soit diffusée. Tf1 a également procédé à des vérifications et confirme que cette image est une création artificielle. Au passage, nous pouvons constater qu’à la rédaction de Tf1 (ou de Lci) certains sont également fâchés avec l’orthographe… 

D’habitude quand je me fais piéger ainsi (ça m’est arrivé mais de moins en moins), j’efface tout de suite. Quoi qu’en disent les irrésistibles fact-checkers et autres petits commissaires du Ministère de la Vérité missionnés pour débusquer les fakenews mais aussi et surtout pour discréditer et stigmatiser toute pensée déviante ou réellement subversive, un compte sur twitter qui débite carabistouilles sur carabistouilles perd toute crédibilité. Généralement, si ces fariboles prennent de l’ampleur on vient le lui rappeler en réponse et je défis ces censeurs d’en trouver une dans ma timeline. Je précise : un avis qui ne va pas dans le sens des éléments de langage et des poncifs du camp du bien ne doit pas automatiquement être considéré comme une fakenews.

On pourrait aussi me reprocher de vouloir faire du buzz, motivation première de bon nombre de diffuseurs de fakenews. Sachez seulement et chacun pourra le vérifier, que l’acharnement dont fait l’objet Julian Assange est une cause qui me tient particulièrement à cœur. Cela fait des mois que je tweete à son sujet (mais jamais avec le même succès), fustigeant continuellement l’écart existant entre le sort de réservé à Julian Assange et les soi-disant valeurs de nos démocraties et de l’Union Européenne qui n’ont jamais osé lever le petit doigt pour s’opposer aux insupportables pressions américaines. Les vassaux n’osent pas s’opposer au suzerain même si leur inaction leur fait perdre toute crédibilité. Dans ce contexte il est d’ailleurs intéressant de s’intéresser à l’attitude de Raphaël Glucksmann, l’éternel défenseur des droits de l’homme à géométrie variable toujours prompt à se mobiliser pour les défendre mais surtout lorsque cela va dans l’intérêt des USA, jamais lorsque cela va contre. Tartuffe.

On peut également me critiquer comme la fait Raphael Grably  de BFMTV et comme le feront peut-être, vu le succès du tweet, nos inénarrables agents du Miniver que sont les Julien Pain, Rudy Reichstadt, Tristan Mendès-France ou l’auto-entrepreneur belge Vincent Flibustier de m’accuser de diffuser du « faux mais ça aurait pu être vrai ». Je doute cependant qu’ils le fassent. Ce serait risquer de remettre le cas Assange sur le devant de la scène et je ne suis pas certain qu’ils en aient réellement envie…

J’entends cependant ces critiques. Je le redis. J’ai été piégé par cette photo. Et l’IA est un véritable et très grave problème. L’industrialisation du faux numérisé risque de prospérer. Le cas qui nous intéresse présentement fera jurisprudence. Nous ne pouvons désormais plus faire confiance à tout cliché diffusé sur le net et les réseaux sociaux. Et peut-être parlerons-nous à ce sujet dorénavant de la jurisprudence de la photo du « martyr de Julian Assange » comme étant la 1ère photo créée par l’IA qui a dupé des milliers de personnes par sa vraisemblance. Et personnellement ce sera la 1ère et dernière fois que je maintiendrai sur mon compte une image modifiée par IA après l’avoir découverte ou sans le préciser.

Cette constatation majeure ne nous fera cependant pas oublier les raisons pour lesquelles j’ai maintenu mon tweet. Elles sont avant tout politiques. Le sort réservé à Julian Assange même s’il intéresse bon nombre de Média indépendants (Blast, Le Média, Quartier Général, Le Média ou Elucid) n’intéresse pas les grand médias mainstream (à part Arte, où quelques reportages de qualité ont été diffusés). Face au dilemme moral de rester fidèle au principe de ne pas diffuser de fakenews ou de tweets biaisés (comme ici) et de soutenir à mon modeste niveau Julian Assange, je n’ai pas hésité.

Cette image créée artificiellement permet de remettre l’insupportable situation subie par Julian Assange dans le champ médiatique. Sans elle, ce tweet qui a été relayé ce jour près de 6000 fois n’aurait jamais eu autant de succès. Mes précédents tweets contenant les mêmes propos mais jamais accompagnés d’une image aussi saisissante n’ont jamais été autant relayés, loin de là. Ainsi fonctionne la Société du Spectacle… 

Cependant ses caractéristiques doivent nous interpeler. Peut-on la considérer comme une simple fakenews ? Sa puissance évocatrice est réelle, elle explique largement le succès de sa diffusion. Elle rappelle celle des icônes religieuses des tradition byzantine et orthodoxe. Ces icônes n’avaient pas pour objectif de retranscrire le réel mais d’évoquer des scènes sacrées où les personnages du livre saint apparaissaient transfigurés. Le croyant face à de telles représentations, dans une période où les repères picturaux étaient rares, devant de telles productions qui répondaient à des caractéristiques artistiques très précises pouvait s’en trouver sidéré. Elle pouvaient ainsi maintenir et amplifier la foi des croyants en les mettant en présence de représentations d’une grande force évocatrice. Cette production numérique, d’une certaine façon et dans un tout autre contexte, prolonge cette tradition. Assange y est représenté en grande souffrance. Elle nous rappelle qu’il s’est sacrifié en quelque sorte pour établir la vérité pour le bien et l’intérêt de la démocratie, de ses valeurs, et qu’il en paye le prix cher. Un inconscient (ou conscient pour les croyants) issu de notre patrimoine chrétien réapparait. La dimension religieuse semble évidente et est à l’origine du succès de ce tweet. Assange agonise non pas sur la croix mais dans le sombre cachot de la prison de Belsmarsh. De telles images ainsi constituées par l’IA peuvent donc être qualifiées d’icônes numériques avec un pouvoir incantatoire impressionnant. Il sert ici une cause juste mais il pourrait constituer, soyons-en pleinement conscient, un réel danger dans un autre contexte.

Ensuite si la photo n’est pas réelle, les propos contenus dans mon tweet, eux, sont totalement véridiques.

Oui, Julian Assange est un prisonnier politique embastillé pour avoir dénoncé les crimes impunis de l’armée américaine.

Oui, il se meurt en prison, sa compagne nous l’a redit récemment.

Oui, tout cela dans l’indifférence générale car les médias mainstream n’en parlent pas et ne veulent pas en parler.

Et ceux qu’on entendra le plus critiquer cette image fabriquée par IA, soyons-en certains, seront certainement les mêmes qui se sont toujours tus face à l’ignoble répression commise à l’encontre d’Assange. Aux fakenews, nos médias opposent les no-news ! Circulez, il n’y a rien à voir ! Si nos médias s’intéressaient au cas Julian Assange, à l’injustice dont il est victime, à ses conditions d’incarcération – je rappelle qu’il est à l’isolement – nul besoin de confier à des intelligences artificielles le soin de réaliser des clichés le représentant !

Rappelons que Julian Assange risque d’être extradé vers un pays où il encourt une peine de 175 années de prison pour avoir dénoncé ses crimes de guerre, vers un pays dont on sait maintenant qu’il avait planifié son assassinat (le 26 septembre 2021, Yahoo News a publié une enquête révélant que la CIA aurait envisagé d’enlever et de l’assassiner lorsqu’il résidait à l’ambassade d’Équateur à Londres) ! Où sont nos belles âmes, les mêmes prêtes à se mobiliser pour la moindre cause, pour s’indigner d’un tel traitement, d’une telle violation des droits de l’homme ?

Et je ne parle pas de ceux qui, nés avant la honte, se sont même évertués à le salir ! Et devinez qui se sont chargés chez nous de cette sale besogne ? Les ineffables Rudy Reichstadt et Tristan Mendès-France, bien-sûr !

Les USA veulent faire d’Assange un exemple. C’est pourquoi, ils s’acharnent sur lui. Ils veulent absolument l’extrader pour le condamner à la plus lourde peine possible afin de dissuader tout lanceur d’alerte de dénoncer tout crime du gouvernement américain. Et aujourd’hui, à l’heure où une prochaine censure , pilotée au sein de l’union Européenne par l’insupportable Raphaël Glucksmann, risque, au nom bien évidemment de la défense de la démocratie, de s’abattre sur les réseaux sociaux, le cas de cette image d’Assange sera peut-être même repris pour justifier cette mesure et l’extension du domaine des compétences du Ministère de la Vérité.

L’occident néolibéral corrompu s’effondre et la seule solution que ses dirigeants veut opposer aux colères légitimes des peuples lassés d’être spoliés et trompés est d’instaurer progressivement un contrôle social à la chinoise. Ne soyons pas dupes ! Le camp du bien et des belles âmes n’est pas animé des bonnes intentions qu’il affiche : Assange est là pour en témoigner.

Cette représentation d’Assange ne doit pas symboliser les dérives des réseaux sociaux.  Son visage doit, au contraire, être érigé en étendard dans toutes les manifestations organisées en France actuellement ou ailleurs plus tard. Assange est un caillou dans les souliers vernis de nos dirigeants corrompus.Il est le symbole des valeurs démocratiques qui sont, jour après jour, de plus en plus piétinées par cette classe politique inféodée aux marchés et à des intérêts qui ne sont pas ceux de la majorité des citoyens. Cette classe politique ne se maintient au pouvoir qu’à l’aide d’une violence de plus en plus marquée qu’elle ne cherche même plus à dissimuler. Bien secondée par un système médiatique totalement dévoué à sa cause, elle se drape dans une bonne conscience qui ne peut tromper que ceux qui le veulent bien !

Ne l’oublions pas.

N’oublions pas Assange.  

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